C'est une version allégée du projet initial qui est présentée ce matin à la sagacité du conseil des ministres. Le contenu de ce texte a en effet été soumis à une sévère épuration, après l'avis circonspect rendu hier par le Conseil d'Etat sur certaines propositions, visant à lutter contre le travail illégal. Parmi les changements proposés, le projet de loi comptait modifier les compétences des policiers et des gendarmes lors de leurs interventions sur un lieu suspecté d'employer des travailleurs au noir. Il était prévu de leur donner l'autorisation de pénétrer dans les entreprises afin d'y effectuer leur contrôle, mission jusque là réservée aux inspecteurs du travail.
Les réserves du Conseil ont mis l'accent sur la nécessaire distinction entre lutte contre le travail clandestin et réforme des compétences policières. Les inspecteurs du travail sont actuellement les seuls à disposer de ce droit. Munis d'une commission rogatoire délivrée par le juge, ou dans un cas de flagrant délit, ils peuvent intervenir directement. Le retrait de cette proposition du projet de loi va dans leur sens. Selon nombre d'entre eux, un amalgame délicat pourrait en effet naître de cet élargissement des prérogatives policières. "L'irruption des forces de l'ordre dans l'entreprise nous fait craindre que, sous prétexte de chasse au travail clandestin, les pouvoirs publics ne cherchent à renforcer la traque aux immigrés irréguliers", explique dans Libération, un inspecteur du travail. L'idée souvent répandue qu'une grande partie de ces travailleurs illégaux sont des étrangers en situation irrégulière est pourtant contredite par les chiffres : seule une personne sur dix ne dispose pas de papiers en règle.
Epuré, le projet de loi se contente donc de quelques modifications dans la latitude d'action des corps administratifs concernés et d'une aggravation des sanctions pour les employeurs fautifs. Les inspecteurs du travail pourraient désormais consulter des documents commerciaux, auxquels ils n'avaient pour l'instant pas accès. Cette mesure lève en fait le secret professionnel entre les organismes de protection sociale et les corps de contrôle. Ils seraient aussi dotés d'une nouvelle mission : au lieu de "constater" l'infraction, ils doivent maintenant la "rechercher". Enfin les patrons coupables de faire travailler illégalement des employés se verraient interdire les candidatures aux marchés publics, priver de droits civiques ou ne bénéficieraient pas des aides à l'emploi.